terça-feira, 5 de janeiro de 2021

"Em Marrocos, uma vitória diplomática sobre o Sahara com o risco de uma derrota moral na questão palestiniana"

 

Manifestação em Marrocos de apoio à causa palestiniana


Ao vincular o reconhecimento por Washington da soberania do reino sobre o Sahara Ocidental a troco das relações com Israel, Mohamed VI pode alienar grande parte da opinião pública, prevê o investigador Thierry Desrues (*).


TRIBUNE - Le Monde - 04-01-2021

Thierry Desrues

 

Le 10 décembre 2020, Donald Trump a annoncé la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental par les Etats-Unis. Cette décision est tombée après plusieurs semaines de tensions au sud du territoire en conflit et l’annonce du Front Polisario de la rupture du cessez-le-feu en vigueur depuis 1991.

Pour le Maroc, il s’agit d’une victoire importante qui consolide la marocanité de l’ancienne colonie espagnole. Dans une conjoncture sociale et économique difficile pour le royaume, des investissements et des aides financières sont attendus ainsi que l’accès à un armement qui permettra au Maroc de rivaliser avec une armée algérienne toujours perçue comme une menace. Ce faisant, Donald Trump, président hors norme sur le départ, ne fait qu’officialiser la position implicite des Etats-Unis.

Toutefois, sans un accord impliquant le Front Polisario et sans l’appui des Nations unies, cette annonce s’apparente à un coup de force qui ne signifie pas pour autant un retour prochain des négociations ou une évolution du cadre posé par l’ONU. Surtout, en liant la question de la souveraineté du Sahara au rétablissement de relations diplomatiques avec Israël, le roi Mohammed VI a pris le risque de heurter une partie importante de l’opinion publique marocaine.

Malgré toutes les précautions de langage, cette victoire pourrait se transformer en défaite morale si la cause des Palestiniens ne connaissait pas d’évolution favorable dans les prochaines semaines. C’est, tout au moins, ce que ressent une partie de la société marocaine qui soutient la marocanité du Sahara occidental, tout en s’émouvant tant de la situation des droits et des libertés sur ce territoire disputé que du reniement des droits des Palestiniens.

 

Appel à protester

Certes, les Marocains savaient que des relations officieuses existaient entre les deux pays, mais dans leur majorité ils refusaient de croire que des relations officielles seraient rétablies avec le gouvernement israélien sans que ce dernier n’ait au préalable effectué un geste significatif favorable aux thèses palestiniennes. Malgré les rappels concernant la position inchangée du Maroc sur la solution à deux Etats, le statut de Jérusalem et le droit au retour des Palestiniens, le malaise est grand chez de nombreux Marocains. Même si les opinions divergent sur l’étendue des droits des Palestiniens, le monde associatif et politique marocain trouvait dans cette cause un vecteur de rassemblement.

Si une plateforme d’associations amazighes a salué la normalisation des relations au nom des liens avec la communauté juive israélienne d’origine marocaine – souvent imprégnée d’identité berbère –, elle a aussi tenu à rappeler la nécessité de défendre les droits des Palestiniens.

Par contre, d’autres coalitions associatives, défendant les droits humains et les libertés publiques, ainsi que des partis politiques de la gauche non gouvernementale (Fédération de la gauche démocratique, La Voie démocratique) et des organisations islamistes telles que le Mouvement de l’unicité et de la réforme (proche du Parti de la justice et du développement, PJD) ou Justice et bienfaisance (non reconnu officiellement) ont émis un refus catégorique de la reprise des relations diplomatiques entre les deux pays.

On retrouve là des organisations qui avaient formé le gros des troupes de la contestation en 2011, dans le sillage des « Printemps arabes ». Malgré la pandémie de coronavirus et l’état d’urgence, qui rendent difficile toute manifestation d’opposition dans l’espace public, elles ont lancé un appel à protester le 14 décembre contre la normalisation des relations avec Israël. Celui-ci a été empêché finalement par le déploiement d’un cordon de sécurité sans précédent dans le centre-ville de Rabat.

Insistant sur le volet saharien de l’accord, la plupart des formations politiques qui siègent au Parlement ont applaudi, comme à l’accoutumée, l’initiative royale. Logiquement, l’attitude du PJD (islamiste), dont le secrétaire général, Saad Eddine El-Othmani est le chef du gouvernement, était la plus attendue. En accord avec la doctrine du parti, le ministre de l’emploi, qui est aussi le secrétaire général de la jeunesse du PJD, a rompu l’unanimité gouvernementale. Déclarant à une chaîne de télévision proche du Hezbollah que les Marocains rejetaient cette normalisation, il a précisé que cette décision avait surpris tous les militants de la cause palestinienne.

Ce faisant, il n’a fait qu’exprimer le sentiment généralisé au sein du premier parti représenté au Parlement. Or, le 22 décembre, c’est le chef du gouvernement lui-même qui a signé la déclaration tripartite en présence des représentants des Etats-Unis et d’Israël devant Mohammed VI et Nasser Bourita, le ministre des affaires étrangères d’ordinaire si sourcilleux de faire respecter le monopole du roi sur les questions de politique extérieure.

Il est loin le temps où, en octobre 2000, le premier ministre issu du principal parti de gauche, l’Union socialiste des forces populaires, marchait en tête de la plus grande manifestation connue par le Maroc depuis l’avènement du roi Mohammed VI pour protester contre la répression de l’armée israélienne dans les territoires occupés. Deux semaines plus tard, le Maroc rompait les relations avec Israël établies en 1994 dans le sillage des accords d’Oslo.

Au cours de la dernière décennie, les Marocains sont descendus dans la rue pour défendre les droits des Palestiniens et dénoncer les exactions militaires israéliennes, que ce soit contre l’opération « plomb durci » (2009), ou plus récemment, contre la reconnaissance américaine de Jérusalem en tant que capitale d’Israël (2018).

 

Réduire l’opposition

Le roi Mohammed VI considère depuis des années que la question de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental est résolue et que seules restent à négocier les modalités d’intégration des indépendantistes. Les déclarations tripartites depuis le « deal de Trump » du 10 décembre ont ratifié cette position. On est en droit cependant de se demander dans quelle mesure celles-ci ne confortent-elles pas aussi la politique israélienne sans écarter définitivement le risque d’une future annexion de nouveaux territoires en Cisjordanie. Cette politique a été défendue ouvertement jusqu’à récemment par un Benyamin Nétanyahou qui espère être réélu, notamment grâce au vote des Israéliens d’origine marocaine.

Les accords montrent que le roi, sûr de lui, agit seul, toujours à la recherche de gains géostratégiques. En impliquant dans ces accords un chef de gouvernement dont le parti a toujours été opposé à la normalisation des relations avec Israël, Mohammed VI tente de réduire l’opposition à ce virage diplomatique.

Dix ans après les « Printemps arabes » et à quelques mois des élections législatives et territoriales, ce qui reste de crédibilité des partis politiques et du parlementarisme marocain est de nouveau en jeu ; tout comme la liberté d’exprimer publiquement son désaccord avec la direction du pays. Le roi Mohammed VI avait déclaré au début de son règne vouloir être au diapason des Marocains. Or, sans le relais d’une presse et de partis politiques réellement représentatifs du pluralisme de la société marocaine, le sentiment populaire demeure une inconnue et ne peut guère peser sur la politique du royaume.


Thierry Desrues é investigador do Consejo Superior de Investigaciones Científicas no Instituto de Estudios Sociales Avanzados (IESA-CSIC), Córdova, Espanha.

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