domingo, 25 de setembro de 2022

O DOSSIER PEGASUS: Abdellatif Hammouchi, o superpolícia de Marrocos, no centro do caso Pegasus





Abdellatif Hammouchi, o superpolícia de Marrocos, no centro do caso Pegasus

O escândalo “Pegasus” tira das sombras o chefe todo-poderoso da inteligência interna e externa marroquina Abdellatif Hammouchi e questiona o papel deste alto dignitário do Palácio que a França teme.

Um artigo publicado em “Mediapart”, jornal on-line de investigação francês independente criado em 2008 por Edwy Plenel, ex-editor-chefe do Le Monde. Mediapart é publicado em francês, inglês e espanhol. Apesar de publicado em 22 de julho de 2021, artigo continua a manter toda a atualidade. A LER.


Les révélations « Pegasus » n’en finissent pas d’étaler la nature du régime marocain au grand jour. Le plus grand scandale d’espionnage depuis l’affaire « Snowden » jette une lumière crue tout particulièrement sur le rôle d’un homme clé qui cultive à l’obsession la discrétion, le secret, et qui fait trembler nombre de chancelleries occidentales à commencer par la France, « le pays ami » si complaisant avec les dérives du royaume chérifien : Abdellatif Hammouchi, le patron de la police et du renseignement de la sécurité nationale du Maroc.

« Il est l’artisan de la dérive sécuritaire et autoritaire du Maroc, le vrai roi du Maroc », glisse à Mediapart un diplomate français sous couvert d’anonymat, un des rares à accepter de discuter du « problème Hammouchi ». Abdellatif Hammouchi est le premier homme dans l’histoire du royaume à cumuler la direction de la sûreté nationale et de la surveillance du territoire, le renseignement intérieur et extérieur. Il est « le superflic » de Sa Majesté, avait titré l’hebdomadaire Jeune Afrique en juin 2019.

Fort de sa toute-puissance, aurait-il outrepassé ses fonctions et la confiance placée en lui ? La question se pose plus que jamais aujourd’hui alors que plusieurs personnalités publiques de premier plan, françaises et étrangères, dont le président Emmanuel Macron ainsi que plusieurs ministres, apparaissent directement ciblées par les services de sécurité marocains, rattachés au pouvoir royal, notamment le renseignement extérieur.

Même le roi du Maroc Mohammed VI, son entourage le plus proche ou encore son ex-épouse Lalla Salma Bennani, ainsi que d’autres membres de la famille royale en grâce ou disgrâce, ont été dans le viseur du logiciel espion israélien « Pegasus ». Des intrusions qui interrogent mais qui, pour plusieurs observateurs, sont moins surprenantes que le ciblage de milliers d’hommes et femmes politiques, journalistes, militants, diplomates, entrepreneurs français et algériens.

La monarchie marocaine est un régime autoritaire qui a bâti au fil des décennies un système répressif pour avoir des yeux et des oreilles absolument partout, dans chacune des strates de la société, au cœur des foyers, des partis politiques, des médias, des milieux d'affaires..., mais aussi dans l’antre royal. Un système dont l’un des rouages essentiels aujourd’hui repose sur la cybersurveillance, grâce notamment à Abdellatif Hammouchi qui a modernisé les pratiques et accentué la toile d’araignée. 

Jusqu’à fliquer le monarque en personne ? « À la différence de son père, un machiavélien, Mohammed VI ne travaille pas pour le pouvoir, et il est possible que nous soyons en train d’assister à des pouvoirs intermédiaires en roue libre, en somme, des esclaves qui prennent le pouvoir, ce qui est une nouveauté sinon un tournant », analyse un journaliste marocain. 

Il cite, entre autres exemples, l’affaire « Azaitar », trois frères sulfureux allemands d’origine marocaine dont deux sont des stars des arts martiaux, devenus les amis encombrants du roi, comme l’a raconté dans Orient XXI le journaliste espagnol Ignacio Cembrero, bête noire du Palais. 

Adeptes du luxe, repris de justice, ils ont pris l’habitude de mettre en scène sur les réseaux sociaux leur proximité avec « M6 ». Au point d’être désormais attaqués par des médias qui les encensaient il y a encore peu, des médias connus pour être des appendices des services marocains et écrivant sous leur dictée, spécialisés dans la diffamation. « C’est un message au roi, une injonction à ne plus les fréquenter, une manière nouvelle et frontale de s’adresser à lui. » 

« C’est la police politique qui gouverne au Maroc, l’atmosphère est irrespirable, confiait auprès de Mediapart et L’Humanité l’intellectuel Maâti Monjib, harcelé et surveillé par le pouvoir marocain. L’une d’entre elles s’occupe des partis politiques, même des partis pro-régime. D’autres travaillent dans la société civile, au Parlement, dans les milieux d’affaires. Tous les secteurs sociaux sont quadrillés. Une branche qu’on pourrait baptiser “désinformation / intoxication” est spécifiquement dédiée aux médias. »

L’historien décrivait « un régime fondé sur le cynisme politique et la calomnie », grâce à l’œuvre d’un serviteur discret de l’État en particulier, Abdellatif Hammouchi : « Les services de renseignement disposent de dossiers sur toutes les personnalités publiques. La moindre dissension vous expose, sur le champ, à la diffamation. Même des ministres pro-régime, au plus haut niveau, sont parfois diffamés. Quiconque fait un pas de côté s’expose aux foudres du Palais et au dénigrement des médias de diffamation. »

Natif de Taza au nord-est du pays où se fondent les montagnes du Rif et du Moyen Atlas, spécialiste des réseaux djihadistes, Abdellatif Hammouchi, 55 ans, a connu une ascension fulgurante. Même la CIA aurait tenté de le débaucher. Efficace sur tous les fronts, notamment la lutte antiterroriste, il avait 39 ans lorsqu’il a pris les rênes du contre-espionnage marocain, devenant ainsi le plus jeune directeur de la DST depuis l’indépendance du pays et des services de renseignement dans le monde.

L’institution est alors rattachée au redoutable ministre de l’intérieur de Hassan II, Driss Basri, le symbole des années de plomb, la main de fer qui a exécuté pendant vingt ans les basses œuvres du père de Mohammed VI et couvert les multiples et terribles violations de droits humains. L’espion de Hassan II avait été contraint de finir sa vie en exil en France après avoir été déchu par M6, lorsque celui-ci a accédé au trône en 1999. Ce dernier ne lui a jamais pardonné de l’avoir traqué jusque dans son intimité lorsqu’il était prince héritier.

En France, Abdellatif Hammouchi est craint au Quai d’Orsay et à l’Élysée depuis la brouille diplomatique inédite entre Paris et Rabat, de 2014 à 2015, restée dans les mémoires. À l’époque, la justice française instruit trois plaintes déposées contre ce haut personnage de l’État marocain pour « torture » et « complicité de torture » (lire nos enquêtes en France et au Maroc).

Le 20 février 2014, alors qu’il est de passage à Paris, une magistrate parisienne le convoque et envoie des policiers au domicile de l’ambassadeur du Maroc à Neuilly l’interroger… Scandale. Du jour au lendemain, le Maroc met fin à toute coopération judiciaire et sécuritaire avec la France, notamment en matière d’échanges de renseignements. 

La France rame pour rattraper le coup. La socialiste Élisabeth Guigou, proche du royaume, alors présidente de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, est dépêchée en médiatrice et fait adopter par le Parlement un protocole additionnel protégeant tout dignitaire marocain qui serait mis en cause par la justice française. Au bout d’un an, les deux pays scellent la réconciliation.

Paris va même jusqu’à rendre hommage à Abdellatif Hammouchi et promettre de le décorer pour sa collaboration à la lutte antiterroriste. Au lendemain des attentats de Paris de novembre 2015, c’est grâce à un renseignement marocain que le terroriste Abdelhamid Abaaoud et ses complices ont pu être localisés…

« Tu as sauvé la France », avait alors confié au superflic marocain, Patrick Calvar, le successeur de Bernard Squarcini à la Direction générale de la sécurité intérieure. Cinq ans plus tard, Abdellatif Hammouchi, qui ne s’exprime jamais publiquement et qui n’a jamais donné d’interview, se retrouve sous la lumière qu’il fuit.

Selon l’enquête du consortium réuni autour de Forbidden Stories et d’Amnesty International, Rabat a abusé du logiciel Pegasus pour espionner son grand rival, son frère ennemi, l’Algérie, au moment où celui-ci a été ébranlé par le Hirak, un soulèvement populaire de grande ampleur, qui a déchu l’inamovible et fantomatique Abdelaziz Bouteflika. Parmi les hantises et obsessions du Maroc : la crainte que le peuple marocain, qui étouffe dans un royaume d’inégalités, se soulève à son tour. Et puis bien sûr la question du Sahara occidental pour lequel le Palais est prêt à tout, y compris sur le sol français ou européen. 

Dans un communiqué diffusé mardi 20 juillet, le royaume du Maroc dément tout lien avec la firme israélienne NSO qui commercialise Pegasus, et toute implication dans cet espionnage d’envergure. Il annonce lancer une procédure judiciaire à l’égard de ceux qui l’accusent, et il condamne « une campagne médiatique mensongère, massive et malveillante ».

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